DISINTEGRATION - Souvenirs de la fabrication de l'album...

Les gens me demandent souvent ce dont je me souviens concernant l'enregistrement de Disintegration, cela fait plus de 20 ans que l'album est sorti, en avril '89, peut être que le moment opportun est venu de mettre tout ça noir sur blanc (sur gris).
Je sais que ce disque représente énormément pour beaucoup de gens, pour tant de raisons, il a aussi, changé ma vie.

Disintegration a pris naissance, pour moi, durant la tournée de '87. J'avais intégré les Cure uniquement dans le but de faire le Kissing Tour. Je n'étais alors qu'engagé en tant que musicien pour la durée de la tournée, et c'est tout. Je ne savais pas grand chose, à l'époque, concernant le groupe et j'étais en tournée avec les Furs. Tout ce que je connaissais des Cure, c'est qu'un de mes meilleurs copains ,B.W. était leur batteur.
Quand il s'est agit d'engager un clavier, j'étais pas hyper chaud, au départ, jusqu'au moment ou j'ai écouté KMKMKM, et que j'ai réalisé à quel point ce groupe déchirait tout (hormis les étranges coiffures et le maquillage !)
Après a peu près une semaine de tournée, à être assis par terre avec Robert, il m'a dit: "Je veux que tu fasses partie du groupe, je veux que tu joues sur le prochain album et que tu sois un membre à part entière de The Cure".

red rocks 1987

A Red Rocks dans le Colorado USA KMKMKM Tour 1987 - Photo Bruno Brunning

J'habitais à Toronto à l'époque. J'avais acheté mon premier Mac, et monté un home studio dans mon appart', début '88. Je commençais virtuellement à écrire des morceaux pour The Cure. C'était mon premier studio depuis longtemps, et le tout premier axé autour de l'informatique. J'enregistrais en utilisant le logiciel Performer sur Mac, couplé à un magnétophone multipiste, avant de pouvoir y adjoindre de vrais instruments comme des guitares. J'ai proposé environ une heure de démo au groupe, lors de notre première séance d'écoute chez Boris, dans le Devon. J'avais mis mes morceaux sur un DAT, premier format numérique grand public de l'époque.
Je n'avais aucune idée d'écriture pré conçue, et Robert ne donnait aucune indication, j'ai donc écrit ce qui me venait.
J'étais auteur depuis des années, et membre de The Cure depuis un an, je savais donc ce qui allait fonctionner ou pas. Bizarrement, les morceaux que j'imaginais déplaire à R.S. et au groupe se sont avérés être leurs préférés. J'ai alors appris à ne rien prévoir, et simplement enregistrer les morceaux que je kiffais et qui s'inscrivaient dans The Cure. Quand le groupe jouait mes morceaux, et qu'au final on en enregistrait, c'était source d'un sentiment intense. J'étais très fier. J'avais fait parti de plusieurs groupes avant, en tant qu'auteur aussi, mais là, c'était plus fort. Quand j'ai entendu la version finale, chantée, de Fear of Ghosts pour la première fois, j'étais scotché.

Mon studio à Toronto 1987/88

Ma démo de "The Other Side" ("Fear of Ghosts")

J'essaie de me remémorer l'enchainement des évènements du début '88... Je sais qu'en janvier nous avons fait la video de Hot Hot Hot, qui était le dernier simple à sortir de KM KM KM. Il y eu alors deux sessions d'écoutes de démos chez Boris. Je crois avoir quelques K7 datées, je vais vérifier... Bien sur Robert et Mary se sont mariés en aout de la même année. (Les K7 n'ont malheureusement aucune date).

roger and robert playing pool

Jouant au billard chez Boris 1988 - Photo Bruno Brunning

Donc, les premières sessions ont commencé avec l'écoute des k7 de chacun. Nous les avons toutes écouté les unes après les autres et noté. Porl a pensé qu'au lieu de les noter, il serait plus artistique de les dessiner. A l'issue de cette écoute, nous avons sélectionné nos morceaux préférés. Je crois qu'à ce stade il y en avait trois ou quatre des miennes. Bruno, qui était alors l'assistant du groupe et le responsable des claviers avait monté un studio d'enregistrement très dépouillé dans la salle à manger, équipé du minimum, et nous avons joué les morceaux en live, très rapidement et simplement, histoire de les faire sonner en groupe. C'était une période vraiment sympa et très détendue. Nous avons acheté notre propre billard (principalement parceque nous ne parvenions pas à nous frayer notre propre chemin jusqu'au billard du pub local). Nous avons fait pas mal de barbecues et avions aussi installé un tir au pigeons, qui nous a tous rendu sourd et meurtri...

Simon, Boris, Bruno, Lol et Paul jouant aux  boules à Brushford Barton dans le Devon

Nous jouions aux boules devant la maison, et Boris et moi jouions beaucoup au cricket, ce qui se terminait souvent par une vitre brisée ou une tuile pétée. J'avais un petit bolide, une MG décapotable dont j'étais dingue, et j'emmenais Lol acheter des cigarettes dans un trocson du village. On était vraiment au milieu de nulle part.

Boris et Lol dans ma Midget, Lol avait de bonnes raisons d'avoir l'air effrayé hahah

La MGB de Boris et ma MG Midget

La femme et la fille du fermier d'à coté cuisinaient pour nous, parfois nous allions au pub et parfois nous commandions des pizzas chez Poppins, un petit resto du coin. Les proprios du Poppins étaient deux gays qui avaient pensé bien s'éclater en garnissant une des pizzas avec des Magic Mushrooms (champignons hallucinogènes) sans nous le dire. Ce fut assez marrant, mais nous ne savions pas ce qui se passait. J'ai eu l'impression de péter un câble.

clay pigeon shootclay pigeon shootclay pigeon shoot

Partie de tir au pigeon dans le Devon 1988 - Photos Bruno Brunning

Je vivais toujours à Toronto à ce moment là, et ça devenait compliqué de faire la navette. J'ai alors pensé que ce serait sympa de vivre aussi dans le Devon. C'est là que je passe aujourd'hui le plus clair de mon temps.
A cette époque ma copine Leslie et moi avons passé pas mal de temps à chercher une baraque dans le Devon. Nous avions trouvé ce pavillon à un quart d'heure de chez Boris. C'était une maison en pierre située sur un grand terrain. Même si la maison était proche d'une rivière en crue, et coincée entre une ligne de chemin de fer et une grande route, ça ne me posait pas de problèmes. Je l'ai acheté, et en ai pris possession pour mon anniversaire de '88, en plein milieu de l'enregistrement de Disintegration.
La maison était en sale état et demandait énormément de travaux pour être habitable, mais je l'adorais.

Simon jouant au billard chez Boris

Les démos qui sont ressorties de cette première session d'écoute étaient très brutes, mais on avait déjà une assez bonne idée des chansons et on pouvait affirmer qu'il y en avait quelques unes de bonnes. A ce stade ce n'était que des instrumentaux, en effet les voix, pour l'ensemble de l'album, n'ont été ajoutées que durant les deux dernières semaines d'enregistrement, au studio. Du coup nous n'avions aucune idée de comment allaient sonner les morceaux. On s'est tous quittés contents de cette première session et avons décidé d'une autre rencontre chez Boris, plus tard dans l'année; rencontre plus officielle qui nous permettrait aussi d'enregistrer les démos sur un 16 pistes avec de vrais sons plutôt que notre bricolage sonore.
C'est difficile de faire comprendre que nous ignorions à quel point nous étions en train de faire un album immense. Pour les autres membres du groupe, c'était juste un autre album de Cure, pour moi c'était le tout premier vrai album dans lequel je n'ai jamais été impliqué.

La maison de Boris à Brushford Barton dans le Devon

On s'est tous retrouvé probablement vers juin/juillet dans le Devon pour enregistrer correctement les morceaux. Un genre de pré-production nous permettant de savoir ce qu'on voudrait, avant d'entrer en studio. C'est à ce stade-là que nous avons finalisé l'écriture et Simon et moi avons réécrit Homesick. C'était à l'origine une démo de Lol, pas mal, mais qui cassait pas trois pattes à un canard. On l'avait uniquement sélectionné pour que Lol ne se sente pas trop exclu. Une nuit, après le diner et beaucoup de boisson, Simon et moi somme retournés dans la pièce ou étaient nos instruments, et avons simplement commencé à jouer les accords, à changer un peu, à improviser; ça sonnait vraiment bien. On arrêtait pas de développer le thème, à broder, on a appelé ça "meshing", et les autres nous ont rejoint. Boris venait toujours quand on faisait un boeuf, il avait un incroyable talent naturel, et pour moi qui avait joué avec lui durant de si nombreuses années et dans tellement de groupes différents, c'était un vrai plaisir de le retrouver. Simon, à contrario, préférait toujours savoir exactement ce qu'il jouait et n'aimait pas du tout faire le boeuf ou improviser, ce qui a fait aussi que ce moment était si novateur et intéressant. Quand venait le temps de l'enregistrement du disque en studio, c'était bien sur difficile de retrouver cette spontanéité, mais je crois qu'on a quand même fait du bon boulot. En live c'était autre chose. Certains soirs ça fonctionnait, et d'autres soirs, c'était de la daube, mais c'est la magie du live. Quand vous jouez avec des bandes pré-enregistrées, c'est toujours la même chose, c'est toujours bon. Quand vous jouez vraiment en direct vous risquez soit une bouse, soit un truc fantastique. Je sais ce que je préfère et ce que préfère la majorité des gens.

On m'a demandé de parler des titres de travail des morceaux. En voici la liste, suivit du nom définitif du morceau. Les titres ont changés au moment des versions chantées. Il devenait plus évident de les nommer en fonction des paroles ou de l'esprit du morceau. Les titres provisoires sont issus de mes notes de travail. Les chansons se sont peut être appelées autrement avant, je vérifierai. Le R est pour Robert, le S pour Simon.

The Same Deep Water As Me - Unchanged - Simon
R7 - Pictures of You
RMY - Disintegration
R11
R12 - The Tale of the Lonely Badge - Homesick
S2 - Lovesong
R19 - Lullaby
R17 - Fascination Street - I can actually work out what these songs are from the keyboard sounds
StringsOnly - Plainsong
S11 - Untitled
S7 -
SAH RB - ( Sensational Alex Harvey Band) - Out Of Mind - Roger
R15 - Last Dance
Cant Talk Now Busy - Another Delirious Night - Paul
R14
S10
S1
Roger 1 ( The Other Side - my title - The Fog - Boris' title ) - Fear Of Ghosts

Bruno, l'assistant personnel du groupe et le technicien clavier

Nous avions quasiment l'album en entier, à la fin de cette session. Il n'y avait que des instrumentaux, mais ça sonnait bien. Je suis persuadé qu'à ce moment-là personne ne réalisait encore que c'était quelquechose d'exceptionnel. Je me souviens de Boris disant "qu'est ce que t'en penses ? Il n'y a pas vraiment de single qui émerge, ça va jamais se vendre". haha si seulement nous avions su. Nous pension que Lullaby était assez commerciale, et je me souviens que quand Robert l'a finalement chanté, il n'était question que de mort et d'araignées hahahha. La plus grosse surprise de l'album fut le succès de Lovesong. Nous ne la jouions même pas durant le Prayer Tour en Europe (de source sûr nous avons effectivement commencé à la jouer durant les deux dernières semaines en Europe), et Chris Parry s'est battu contre nous tous, pour qu'elle sorte. Je me souviens de discussions enflammées sur sa parution. Nous ne l'aimions pas plus que ça, et le single s'est avéré être la plus grosse vente de toute l'histoire du groupe.

Chris Parry et Robert , je crois que c'est dans les loges du  Dodger Stadium durant le Prayer Tour

Chris Parry connu depuis toujours sous le nom de Bill était le propriétaire de Fiction et était le manager occulte du groupe. La relation entre Robert et Bill était pour le moins étrange et je crois qu'aujourd'hui encore je ne l'ai pas comprise. Je pense que Robert imaginait que Bill était une figure acceptable de l'industrie du disque, un mal nécessaire. Mais Bill jouait un rôle très influent sur tout ce qui se faisait, et à ce moment là, Robert le respectait encore. La relation est partie en couille quand vers 1999/2000 Bill a vendu Fiction et en a informé Robert par fax, lui disant que s'il y avait un problème il n'avait qu'à contacter son avocat. Cela-dit, à la décharge de Bill, leur relation était à l'époque désastreuse, mais c'était une façon un peu rude, après 20 ans, d'y mettre fin. Il avait toujours su conduire le groupe sur les rails de la réussite, jusque dans ses moments les plus glorieux, a fait de très bonnes affaires pour le groupe qui leurs ont rapporté, à lui et Robert beaucoup d'argent. Il s'est aussi battu pour le groupe et a fondé XFM à Londres, la première station alternative d'Angleterre.

Le mariage de Robert a lieu en aout '88 et nous nous sommes tous réunis pour ce qui reste une journée extraordinaire.Je me souviens que tout le monde était alors impatient de commencer l'enregistrement du disque. Je crois que c'est Paul qui m'a dit que Robert était très content que je sois dans le groupe et que le fait de m'occuper de tous les claviers leur permettrait de se concentrer sur les guitares. Je n'avais pas idée, à ce moment là, de l'importance que prendrait les claviers sur le disque, et à quel point les guitares seraient discrètes, ce qui faisait vraiment chier Paul, mais à l'époque, il y avait toujours un truc qui le faisait chier.

hookend manor

Le studio Outside, qui s'appelle maintenant Hookend Manor

L'enregistrement a débuté à la mi octobre, à côté de Reading, au studio Outside à 60 bornes de Londres. C'était un très vieux manoir qui avait été la résidence de l'évêque de Reading, ou un truc étrange dans le genre. On voit la maison dans le clip video Ouija Board de Morrissey. Le studio, qui était à la pointe, à l'époque, était installé à côté de la maison, dans une ancienne grange reconvertie. L'endroit était très imposant et très très cher. Environ 2000 livres par jour. On peut voir l'intérieur du studio dans un film consacré à Eric Clapton, tourné il y a quelques années. Nous projetions d'enregistrer sur des bandes deux pouces en 48 pistes, soit deux 24 pistes synchronisés. Il y avait un piano à queue Bosendorfer, que j'ai finalement pas mal utilisé sur le disque, évidement sur Homesick et Prayers For Rain, dont je reparlerai plus tard. L'endroit où nous jouions était très vaste, orné de boiseries, et je m'y sentais vraiment bien. C'était suffisamment grand pour l'enregistrement, mais assez chaleureux pour ne pas être intimidé.

Boris, Roger, Paul en partance du Devon pour le studio à Reading

Quasiment tout le groupe était branché 4x4 à l'époque. J'avais une Jeep Wrangler, Boris et Paul avaient tous les deux une Landrover et Robert avait une Lada 4x4. Boris, Paul et moi nous retrouvions chez Boris et partions en convoie jusqu'à Reading. Nous avions même des Talkies Walkies dont nous nous servions pour communiquer durant le trajet. De gros jouets pour des grands garçons. Nous n'avons jamais fait de course à travers champ, mais c'est certainement moi qui aurait gagné hahah. La seule aventure "tout terrain" de l'époque fut la nouvelle camionnette flambant neuve du groupe, qui nous avait été livrée en bleu beurk. Nous l'avons renvoyé et obtenu une nouvelle peinture noire et une énorme sono. La camionnette à survécue jusqu'à la fin des années '90, avant de littéralement tomber en morceaux. C'était la grande joie et la fierté de Bruno. On peut voir cette camionnette dans les bonus de la video de Pictures Of You, que nous avons tournée en Ecosse.

Simon, Robert au volant et Roger dans la camionette méchamment embourbée dans le champ de Boris

Le début de l'enregistrement à très mal commencé, puisque un incendie provoqué par un chauffage, a éclaté dans la chambre de Robert. Les flammes ont tout détruit, y compris toutes les paroles que Robert avait écrite. Perry qui était à l'époque l'assistant personnel de Robert avait bien tenté vainement un acte de bravoure mais tout était perdu. Robert qui a toujours chaud et aime sentir l'air frais, avait ouvert sa fenêtre. Une des femmes de ménage avait cru bon de la fermer et jugeant qu'il faisait trop froid, avait allumé le chauffage. Nous étions à table quand quelqu'un a senti la fumée. C'est une chance que toute cette très vieille maison en bois, n'ait pas entièrement flambée.
Il ne restait ainsi à Robert que le souvenir de ses paroles. Je ne lui ai jamais demandé s'il a utilisé ses idées originelles ou s'il à tout repris à zéro. Je pense qu'à sa place j'aurais été anéanti.

Il est bien connu que dans l'univers de Cure on a tendance à réécrire le passé. Nous avons tous, par moment, été victime de cela, et cette histoire de la perte des paroles, qui est au demeurant très distrayante, et qui fait maintenant partie de la Légende, est semble-t-il fausse ! J'ai appris de deux sources différentes qu'une sacoche de cuir, contenant paroles et photos, avait, en effet, pu être sauvée avec pas mal d'autres choses. Rien n'a été perdu ! On en pense ce qu'on voudra, j'y étais, et je ne connais toujours pas, aujourd'hui, la vérité. Ou disons que la vérité s'est perdue avec les années.

Lors d'une interview de Robert, en '90, nous en avons appris un peu plus. Selon Robert l'intégralité du groupe a formé une chaine avec des serviettes, pour atteindre la chambre en flamme. Les paroles furent effectivement sauvées, mais l'aile entière de la maison réduite en cendre. Il semblerait qu'en réalité Dave Allen réussit à pénétrer seul dans la chambre et sauver la sacoche de cuir. La chambre n'ayant subi que quelque dégâts esthétiques de surface, réparés avant la fin de l'enregistrement.
Quoi qu'il en soit j'avais toujours pensé que tout avait été perdu.

Roger au début de l'enregistrement, le pacte de la coupe de cheveux que personne d'autre n'a respecté !

Les premiers jours furent consacrés à la mise au point du son de la batterie, ce qui était habituel à cette époque. C'est une nouvelle fois, Dave Allen qui produisait l'album, et je l'ai très vite apprécié. C'est un type très drôle et très intelligent, à l'oreille fine, le pendant de Robert, avec ses propres idées et ses opinions. Robert et Dave entretenaient vraiment de bonnes relations, c'était très sain et productif. L'ingénieur du son était un mec qui s'appelait Richard mais on a fini par l'appeler Tricky, d'après Tricky Dicky. Tous les membres de l'univers Cure avaient à l'époque un surnom, mis à part moi hahah. Pendant l'enregistrement de W.M.S., j'ai été contraint de m'en donner un qui s'est avéré être collant (pas capté si c'était son surnom ou quoi NDT). Boris s'appelait le conte, puisque tout le monde affirmait qu'il avait 300 ans, Perry c'était Teddy, je sais pas trop d'où ça venait, et Simon et Robert s'appelaient l'un l'autre Bub. Bruno c'était Billy Bongo etc... Paul s'appelait Pozzle je crois, ou Poz ?

J'ai disposé a peu près tous les claviers que je possédais dans la pièce d'enregistrement et tous les autres synthés furent branchés dans la cabine de contrôle. Contrairement aux autres instruments, les synthés se branchent directement sur la table, du coup on a pas besoin de s'isoler pour le son. C'est un avantage et parfois un grand inconvénient dans la mesure ou l'on a un grand pouvoir d'interaction avec le producteur et avec Robert, mais que l'on doit aussi gérer la foire permanente de la cabine de contrôle, et la fête du slip des mecs qui se marrent qui vannent et qui te bousculent quant t'essayes de jouer. Les mêmes aussi, qui savent mieux que toi ce que tu devrais jouer. Ce qui se termine du coup, par des "parties de clavier collectifs". Nous avions une impressionnante collection de synthés, y compris l'Emulator3, la crème de la crème, que Lol venait d'acheter. Je crois que c'est Teddy et Simon qui ont eu la bonne idée de changer le voltage de l'E3, pensant que quand Lol l'allumerait, ça ferait sauter un fusible, et qu'on se fendrait bien la gueule. Malheureusement c'est toute l'alimentation qui a grillé et le retour atelier nous a couté bonbon.

Je crois que tout le monde sait maintenant de quelle façon Lol était traité à l'époque: très très mal. Je ne suis pas entièrement blanc, mais il faut dire qu'il n'y mettait pas beaucoup du sien. Il était ivre la plupart du temps, et les rares fois où il essayait de rester sobre, on faisait tout pour qu'il soit à nouveau bourré. Il n'a quasiment rien joué sur le disque, et je crois que j'ai même dû réenregistrer, pendant qu'il n'était pas là, les rares trucs qu'il avait joué. La façon dont il a été victimisé est rétrospectivement très triste, mais à l'époque c'était assez marrant, non ? Après diner, il était généralement tellement cassé qu'il montait directement se coucher, pour ensuite se réveiller à deux heures du mat' et déambuler à travers le studio dans le seul but de dire que tout était merdique. Il décidait alors qu'il avait faim et allait se cuisiner un truc que nous nous évertuions à ruiner, mais qu'il s'obstinait à manger quand même... Heureusement qu'aujourd'hui Lol est sobre, en pleine forme et heureux, et j'espère qu'il nous pardonne tout ce qui s'est passé à l'époque...

lol
roger lol

Roger et Lol aux studios Outside  1988 - Photos Bruno Brunning

La journée type commençait donc vers 15 ou 16h00, c'était la fin de l'automne en Angleterre, et la nuit tombait vers 16h00, 16h30. Pendant cette période, on a donc très peu vu le jour. J'avais pris mon vélo, et j'allais faire un tour dans les bois, après le petit déjeuner. C'était mon seul vrai moment d'évasion du studio. Nous travaillions de 16h00 jusqu'à 20h00, l'heure à laquelle nous dinions. Le diner était un grand cérémonial fait d'abus de boissons, d'histoires et de rire. Il s'éternisait toujours, et j'estimais que c'était une grande perte de temps. Mais c'était devenu, avec le temps, un de ces rituels Cure bien établi. Nous retournions alors en studio, généralement jusqu'à 4 ou 5h00 du mat'. Nous avons consacrés les premières semaines à l'enregistrement des pistes rythmiques. Nous enregistrions les basses et les batteries, et depuis la cabine de contrôle, j'accompagnais Boris et Simon au synthé avec une ligne guide, pour les aider à se situer dans la chanson. Nous commencions alors à bien maitriser les morceaux, dans la mesure ou nous avions déjà fait les démos et la pré-production. Puis, nous avons tout enregistré au métronome pour permettre une parfaite régularité du tempo. Non pas que Boris en eût besoin, mais j'imagine que ça devait avoir son utilité. Un truc bizarre que je ne comprenais pas, et que je n'ai toujours pas compris aujourd'hui, c'est que Dave a remplacé toute les grosses caisses naturelles par un échantillon. C'était un seul coup de grosse caisse, joué par Boris, qu'il avait échantillonné et réutilisé tout du long. Quand j'y repense aujourd'hui, je trouve ça dingue. Je pense que c'était en quelque sorte la conséquence de la disponibilité d'une technologie. On le faisait non pas par nécessite mais parce qu'on avait la possibilité de le faire. J'avais demandé à Dave d'écrire une annexe à mon texte, mais je crois qu'il est très occupé. Quoi qu'il en soit, quand je l'ai questionné au sujet de cette histoire de grosse caisse échantillonnée, il m'a simplement répondu "c'est pas si simple que ça". Haha, je ne connais toujours pas le fin mot de l'histoire.

Une fois les pistes structurelles en place, nous avons commencé à enregistrer les synthés et les guitares. On se disputait toujours pour savoir qui passerait en premier, sachant qu'il est toujours plus sympa de jouer avec plus d'instruments que simplement une basse et une batterie. Comme je l'ai dit, la majorité des synthés ont été enregistré dans la cabine de contrôle, et c'est aussi là, que j'ai crée la plupart des sons. C'est bien le son des cordes qui représente "la patte" la plus reconnaissable du disque. C'est la combinaison et la superposition d'à peu près trois et parfois quatre instruments. Nous avions un paquet d'échantillonneurs, et la plupart des sons sont naturels et non pas synthétisés. Je n'avais l'occasion de jouer dans la grande pièce du live que lorsque nous enregistrions le piano à queue. C'était donc des moments très particuliers. Il a été décidé pour Prayers For Rain qu'il serait sympa d'y inclure un solo de piano parcourant l'intégralité du morceau. Mais pour donner un peu plus d'intérêt à cette partie je l'ai enregistrée alors que la bande tournait à l'envers, la rendant moins musicale. Quand, dans le magnéto, on repassait la bande dans le bon sens, la piste du piano était alors restituée à l'envers, ce qui donnait un effet incroyable. C'était extrêmement étrange, puisque j'enregistrais après le diner et ses excès alcooliques. Il devenait très délicat de gérer l'intégralité de la chanson, passant à l'envers dans mon casque haha. Le groupe et Robert en particulier, se battait depuis toujours pour cette éthique post punk qui rejetait toute virtuosité ou qualité de musicien. Il ne fallait pas être trop bon. Mais le groupe était arrivé à un niveau, qui demandait une certaine habileté. J'étais issu d'un milieu musical totalement différent, qui exigeait maestria et savoir-faire. Mais j'ai retiré de grands enseignements de Robert qui, même aujourd'hui encore, font écho dans ma musique.

Quand nous avons commencé l'album, je me souviens que l'idée était de jouer, chaque soir, dans le studio, les chansons en live et que nous ferions des enregistrements parallèles. Un genre de version multi piste élaborée, en plus des versions nocturnes d'enregistrement live. Je crois que l'idée fut rapidement abandonnée. J'ignore pourquoi, et que sont devenues ces bandes. Sans doute étions nous trop bourrés, je me souviens que ça sonnait assez brute.

Souvent, Boris en particulier, demandait en fin de nuit, si nous pouvions faire une écoute sur les "GROS HAUT PARLEURS". Nous écoutions, tous assis, à un volume très élevé, ce que nous avions fait. C'était incroyable d'écouter les morceaux à ce stade de création, et je crois qu'on commençait à être excité a l'idée de ce que ça pourrait donner sur scène. Mais à ce moment là, aucune tournée n'était encore prévue.

roger's birthday party outside

Ma fête d'anniverssaire aux studios Outside  octobre 1988 - Photo Bruno Brunning

Une fois que Boris avait terminé les pistes de batterie, on s'était mis à beaucoup jouer au tennis de table. On était devenus assez bon. On avait même acheté des supers raquettes recouverte d'un pouce de mousse. On a organisé un grand tournoi à la fin de l'enregistrement. Tout le monde jouait en double avec sa femme ou sa copine. Steve Sutherland, à l'époque un ami proche du groupe, était un compétiteur maladif. Il s'énervait vraiment contre sa femme quand ils perdaient ! Plus tard, avec Boris, nous avons joué quotidiennement au tennis de table, à bord du Queen Elizabeth II, lors de notre traversé pour New York et l'entame de la tournée.

Nous travaillions 6 jours par semaine, nous n'étions libre que les dimanches. Ces jours-là, nous allions en ville, à Reading, faire les boutiques, et acheter un tas de trucs inutiles. Nous jouions aussi beaucoup aux jeux vidéo. Quand on est en studio, il y a beaucoup de temps mort, ou l'on a rien à faire, et nous devenions accrocs aux jeux sur ordinateur. C'était ce jeux dans l'espace, qui consistait à gagner de l'argent en vue d'équiper son vaisseau spatial, en armes, plateformes, et boucliers. Je ne me souviens plus du nom (Elite), mais on a fini par l'interdire dans la cabine de contrôle. Nous devenions trop dissipés, Dave, en particulier, qui passait presque autant de temps que nous sur ce jeu hahaha...

Un autre truc marrant, c'était de se servir du nouvel ordinateur que nous avions fait acheter à Lol, pour le dessiner dans des poses obscènes, dessins que nous punaisions ensuite sur le mur... Quel age avions-nous ?

Je ne sais pas dans quelle mesure l'histoire est connue, mais je me rappelle d'un autre truc: Tim Burton avait demandé à Robert que The Cure écrive la bande originale d'Edward aux Mains d'Argent et le scénario trainait dans le studio. Je ne sais pas pourquoi on l'a pas fait ou ce qui s'est passé. Je crois qu'on ne savait pas, à l'époque, qui c'était.

On commençait à parler de la pochette, et que Robert pensait éventuellement faire appel à quelqu'un d'autre que Paul et Andy, qui s'étaient occupés, jusque là, de la plupart des pochettes de The Cure. Toutes avaient été très abstraites, jamais aucune image du groupe ou de Robert n'ont figuré dessus. Paul et Andy ont subitement proposé une pochette avec la tête de Robert. Cela, se murmurait-t-il, dans le seul but que leur projet soit choisi. Je n'avais pas d'avis la-dessus. Leur pochette fut choisie...

Ok, donc nous avions toutes les pistes et Robert a commencé à enregistrer ses parties. La basse six cordes et un tout petit peu de guitare. Il y avait vraiment très peu de guitares sur ce disque. Je me souviens du jour de l'enregistrement de Plainsong, entièrement prise dans la cabine de contrôle. Robert me montrait quoi jouer, et ce jour-là, pour des raisons inconnues il ne parlait pas. Je crois qu'il avait une énorme gueule de bois et nous avons tout fait par écrit hahaha, c'était hilarant. Il a joué les accords majeurs, c'était du Robert tout craché, à savoir, jouer toutes les notes possibles en même temps. La chanson est en do, c'est donc toutes les touches blanches, et dans ce morceau, elles sont quasiment toutes jouées. Nous avons tenu un relevé précis des sons que nous utilisions, quel instrument, quels accords, pour toutes les parties de synthé. ça s'est avéré très utile, quand en 2002, nous avons recréé l'album pour le DVD Trilogy. Nous n'avions évidemment pas idée, en '88 que nous composions une trilogie, mais quoi qu'il en soit, j'ai pu utiliser pour les concerts Trilogy, mes relevés de '88, que je possédais, et que je possède encore, et donc, les sons originaux.

Nous arrivions bientôt à la fin des sessions et à l'approche de Noël, Robert n'avait toujours rien chanté. A ce stade avancé, nous n'avions toujours aucune idée ni des mélodies ni des paroles. Quand il a commencé à chanter, c'était vraiment incroyable. Robert a une voix tellement unique, si puissante et pleine d'émotions, que le voir et l'entendre chanter, pour la première fois, toutes ces chansons, est un souvenir que je n'oublierai jamais. Plus tard, à l'occasion d'un autre enregistrement je me souviens de Robert nous expliquant que quelque fut le répertoire ou le genre de musique que nous jouions, cela importait peu, puisqu'il lui suffisait simplement d'apposer sa voix dessus et ça devenait du Cure. Et c'est tellement vrai. Généralement il chantait trois fois la chanson dans son intégralité et sélectionnait les meilleurs passages des trois prises qu'il accolait ensuite pour en faire la piste de voix définitive. Je me souviens parfaitement bien de l'atmosphère qui régnait dans la cabine de contrôle pendant l'enregistrement de la voix de Robert sur la chanson Disintegration. On déconnait comme des baleines, à se marrer et faire des blagues, et au moment ou il revenait dans la cabine pour écouter le résultat, d'essayer de retrouver notre sérieux. Je me demande comment il a toléré tout ça. L'atmosphère n'était jamais sérieuse dans le studio, et quand on pense à l'album et à sa noirceur, je suis persuadé que les gens nous imaginent se tailladant les veines dans un environnement de candélabres et de chaines tombant des murs. C'est ce qu'a effectivement pensé Ross Robinson, quand des années plus tard nous avons enregistré avec lui. Il avait une idée bien trop préconçue de la façon dont nous devions travailler et de quelle manière The Cure devait se comporter. Il se plantait complètement, ça sonnait faux et empreinté, comme si nous essayions de faire semblant d'être The Cure, alors que nous ÉTIONS The Cure. C'est un truc qu'il n'a jamais capté, mais c'est une autre histoire...

Et pour répondre à une autre question, non l'ambiance dans le studio n'a pas changé quand Robert s'est mis à chanter. Elle est restée la même, très joyeuse et délirante. Tout le monde se marrait et déconnait. J'ai assisté à toutes les prises de voix. Autant que je m'en souvienne personne n'a craqué, submergé par l'émotion. Sans doute que ça contrarie énormément certaines personnes dans le fantasme qu'ils se font de ce groupe, mais c'est ainsi. Nous sommes tous très anglais. The Cure est un groupe très anglais et le summum de ce que nous pouvions montrer de nos émotions, les uns aux autres, c'était de se dire "bonjour".

L'une des choses qui me revient à l'esprit c'est ces horribles effets sonores, placés tout au long du disque. Je détestais cela, et me suis battu contre. Je déteste tout ce qui est trop évident. Quel est l'intérêt de mettre des sons d'orage et de pluie sur une chanson intitulée Prayers For Rain ? N'est ce pas assez évident comme ça ? Robert avait acheté toute une collection de catalogue de son sur cd pour l'Emulator. J'imagine qu'il les adorait, tellement il en a disséminé sur l'album. Boris adorait les déclencher en concert, comme il adorait tout ce qui avait un son horrible et la possibilité de rendre sourd quelqu'un.

Les voix ont toutes été enregistrées en deux semaines. Ils ont alors commencés le mix, mais insatisfait du premier résultat, ce n'est qu'en janvier '89 qu'il s'achève, au studio RAK à Londres. Vivant alors encore à Toronto, je n'ai pu y assister, mais je me souviens de Robert, m'appelant un jour pour me dire qu'ils mixaient une chanson à moi, Fear Of Ghosts, et que c'était un de ses morceaux favoris. Il m'a dit une fois, que c'était un de ses dix morceaux préféré de The Cure. Ma demo s'appelait The Other Side, je l'ai composé chez moi, à Toronto, dans mon appartement qui avait une vue sur le Lac Ontario, un jour de grand beau temps où l'on voyait l'autre rive du lac (The Other Side). Quand, bien avant les premières sessions d'écoutes, je l'ai passé à Boris, il m'a dit que ça sonnait comme la bande originale de "The Fog" (film d'épouvante de John Carpenter de '80 NDT). Boris a toujours été très solidaire hahaha. Ce qui me troue le cul c'est que finalement les initiales de Fear Of Ghosts ça fait FOG... Dingue !!!

Concernant le titre de l'album, Disintegration, je crois qu'il était acquis bien avant qu'on entre en studio. Le morceau Disintegration était baptisé bien avant qu'on entre à Outside, c'était donc plié, il n'était plus question d'en discuter. Pour ce qui est de Wild Mood Swing, en revanche, il y eu débat. Je détestais ce nom, et en ai fait part à Robert. C'est sans doute la raison pour laquelle il l'a choisi hahahha. Il y avait toujours tellement de gens autours de lui pour dire oui à tout, mais je n'hésitais pas à faire part de ma désapprobation. Que faire quand quelqu'un te demande ton avis ? Essayer de deviner ce qu'il veut et abonder dans son sens ou dire ce que tu penses ?

Pour Noel '88, à mon retour à Toronto, j'avais une k7 des mises à plat instrumentaux de l'album. Lors d'une fête je l'ai passée à quelques personnes. Ils n'avaient pas la moindre idée de ce qu'ils écoutaient hahah. La première fois que j'ai entendu le disque finalisé, c'était sur K7. J'étais extrêmement déçu par le mastering. Certes, le son de la K7 n'aidait pas, mais aujourd'hui encore je le trouve vraiment sans vie, plat et compressé. Entreat, la version live enregistrée à Wembley durant l'été '89 déchire tellement plus la race de sa mère. Une nouvelle fois, je pense qu'il faut incriminer l'enregistrement au métronome qui empêche tout dynamisme. Boris est un batteur d'une telle créativité qu'il est capable de faire varier d'une manière infime le tempo d'un morceau, toujours au moment opportun pour le transcender.

Tout au long de l'enregistrement de l'album, il a toujours été acquis que nous le jouerions en tournée. Le moment était venu. Durant le mois de janvier '89, je vivais chez Boris, pendant que je m'occupais des travaux de la maison que j'avais acquise à deux pas de là. Nous avions tous les deux reçu une lettre de Robert, adressée originellement à Lol, et qui disait, en substance, que nous allions faire une tournée, mais en tant que quintet et que Lol ne faisait plus partie du groupe. Deux chocs en un. D'une part plus de Lol et d'autre part nous partions en tournée mondiale pour promouvoir l'album. Je crois que pour Lol c'était la meilleure solution. Sans doute qu'il se serait tué, à force de boisson, s'il était resté dans le groupe. Tourner était aussi une super nouvelle, mais j'étais dorénavant contraint d'assurer tous les claviers, ce qui représentait un certain défi à relever, le Prayer Tour, mais ça c'est une autre histoire... A suivre ?

Je me souviens d'une histoire marrante qui date d'après la sortie de l'album, au moment ou Lullaby, le premier extrait paraissait en Grande Bretagne. Nous nous étions retrouvé chez Boris, sans doute pour répéter. C'était la fin d'une semaine de travail, nous étions dimanche soir, et nous attendions de connaitre la position d'entrée de la chanson dans le Top 50. Une des épouse présente s'est alors engagée à boire une bouteille de champagne entière s'il Lullaby atteignait les 10 premières places. C'était drôle puisqu'elle ne buvait jamais, habituellement. Nous étions tous réunis dans la cuisine autour d'un poste de radio à guetter le classement. Le début se déroule et... rien. Les 30 - 20 premières places... rien. Puis viennent les 20 premières places, toujours rien. Soit la chanson est classée dans les premières soit... pas du tout. Entre la 10ème et la 5ème place, toujours rien hahah. Je crois que finalement la chanson s'est classée 3ème. Je suis sûr que quelqu'un avait été au jus, et ça a été le délire. Bruno a été envoyé en mission spéciale pour dévaliser tous les pubs du Devon du Nord de leurs bouteilles de Champagne. L'épisode fait encore partie aujourd'hui de la légende locale. L'épouse en question a effectivement bu quasiment toute une bouteille, avant d'immédiatement en quémander une seconde. Pour le mariage de Paul et de Janet, Robert leur avait offert une de ces énorme bouteille, qui se trouvait encore chez Boris, mais nous étions parvenu à la cacher.
La fête s'est prolongée jusqu'au bout de la nuit. Tout le monde faisait mine basse le lendemain, surtout que nous devions rentrer à Londres pour faire Lullaby, à Top Of The Pops, le même jour.

Robert souhaitait que nous nous habillions comme les soldats de plomb de la video. Je ne sais plus si nous avions refusé ou si l'on avait pas trouvé les costumes, le fait est, que nous y avons échappé. Il a alors décidé de se maquiller outrageusement de noir. Quand on est arrivé sur le plateau, le real' a réclamé que Robert ôte son maquillage, et qu'autrement il nous serait interdit de jouer. Robert a bien sur refusé et il y eu d'âpres négociations entre les gens de la maison de disque et la BBC. Nous avons finalement pu jouer mais il n'y eu aucun gros plan de Robert. Uniquement de Paul et ma gueule hahaha. Oh putain, je viens de retrouver la video de Top Of The Pops sur   Youtube   comme quoi on peut se faire des films dans sa tête. Ils disent qu'on entre en douzième position. Merci donc, de ne pas prendre pour argent comptant tout ce que j'ai écrit précédemment. Pas mal pas mal, les fringues que je porte d'ailleurs. Pas étonnant que j'ai refusé l'uniforme des soldats de plomb. Malheureusement, quelques années plus tard on a été obligé de se taper le déguisement de mariachi pour le Top Of The Pops de The 13th !

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Roger sur scène durant le volet nord-américain du Prayer Tour  1989 - Photo Bruno Brunning

On m'a aussi demandé de parler de la fabrication des videos de Disintegration.
J'ai été en relation, il y a deux ans de cela, avec Richard Earl, le directeur artistique de la plupart des clips de The Cure. Je lui ai demandé de me livrer ses souvenirs.

Ayant été un grand fan de musique, j'avais commencé à travailler avec Tim Pope dans les années '80. J'adorais sa créativité unique de réalisateur. C'était passionnant, comme toujours avec Tim Pope, de rendre sur écran notre petit cinéma mental. J'estime que ce que nous avons fait pour The Cure, à cette époque, est la parfaite représentation de ce qu'est ce groupe. Je savais qu'à partir du moment ou Tim, m'appelait pour "un nouveau tournage d'une video de The Cure", les semaines à venir allaient êtres pleines de créativité et de satisfaction. Pour commencer, je recevais généralement une cassette du morceau dont je m'imprégnais. Ayant le même age que les membres du groupe j'ai depuis toujours été fan de leur musique. Je suis heureux que mon implication dans la réalisation des clips du groupe ai pu renforcer mon attachement aux chansons. Après donc une première écoute des tout nouveaux morceaux, nous entrions avec Tim Pope dans une phases de recherche d'idées pour le tournage. On rassemblait toutes nos idées et commencions à créer l'atmosphère de ce qui allait être ce film de 4 minutes. A la fin de la journée j'avais mis au points quelques idées de scénar' et de découpage, ce qui permettait aux autres de commencer à se faire une idée plus précise de nos idées.

J'avais un attachement tout particulier pour le travail de The Cure et j'essayais de faire de mon mieux pour rendre l'atmosphère de leur musique, telle que je me l'imaginais.
En tant que concepteur, j'étais une sorte d'artiste de la création cinématographique. C'était un processus entièrement original que nous conduisions avec Tim Pope et cela nous permettait de donner plus que jamais libre cours à notre imagination. Nous donnions tout ce que nous avions pour tous les films de Cure que nous avons tournés. Rétrospéctivement on peut se dire que c'était génial, mais sur le moment je n'avais pas un seul moment de recul pour apprécier toute cette créativité débordante. C'était de haute lutte que j'obtenais ce que Tim demandait avec le temps et le budget alloué, sachant que le cinéma est très onéreux. Je commençais donc à mettre tout ça en place, essayant de trouver des réponses astucieuses à tous les problèmes techniques qui se posaient: tapisserie, peinture, sculptures, décoration, trucages, manutention, transport, effets spéciaux etc.. Tout ce dont nous avions besoin pour notre tournage de quelques jours.

Quand Tim Pope arrivait sur le plateau il pouvait envisager de donner vie à ses idées grâce à ce que nous avions mis en place. On commençait par la lumière. J'aurais aimé m'occuper seul des éclairages dans la mesure ou j'avais une meilleure vue d'ensemble du projet, que les autres techniciens, mais c'était impossible. Puis arrivaient enfin les "Garçons". C'était ainsi que la production appelait le groupe. A partir de ce moment le tournage montait en puissance, tous les autres techniciens s'affairaient, et le groupe était prêt à jouer devant les caméras.

Cela prenait des heures et le jour était vite passé, nous travaillions alors toute la nuit, les caméras, lumières, décors, effets spéciaux etc. L'équipe connaissait des moment trépidants d'affolement ou alors de longues heures d'attente pour la mise en place du plan suivant.

Lullaby fut un film très novateur aussi bien dans les idées que dans les techniques cinématographiques utilisés. Monter ce plateau fut très marrant, et un bon boulot de maquillage aussi sur Robert. Quelques nuits blanches, aussi sur ce tournage, mais ça a vraiment une bonne gueule. J'étais particulièrement fier de ce film à chaque fois qu'il passait à la télé.

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Richard Earl sur le plateau du clip de Lovesong

Lovesong fut à nouveau tourné dans un studio londonien, et je crois avoir monté le décor en deux jours tout en tout, avec tout le matos habituel, fabriquant les grottes avec de la mousse expansive, du plâtre et de la peinture. Nous avons alors tout arrosé avec de la flotte qui dégoulinait et ça faisait la blague. Je me souviens avoir acheté quelques paires de chaussettes marantes en vue de les accrocher au plafond de la grotte, puisque c'était devenue la marque des clips de The Cure. Tim adorait toutes ces références. ça se passait toujours super bien une fois que toute l'équipe arrivait, le maquillage, les costumes, la prod, puisque nous allions passer les deux prochains jours ensemble. Le groupe arrivait alors, se mettait dans l'ambiance et montait sur le plateau... leur moment était venu de jouer leur partie. Robert était persuadé que Tim passait son temps à inventer des situations qui lui seraient difficiles à tenir, mais tout finissait par bien se passer.

Quand on m'a appelé pour le prochain clip "Pictures of You", j'ai appris que nous devions tourner à Glencoe en Ecosse. Pour moi la procédure normale suivait son cours, hormis que cette fois-ci nous prenions la direction du nord et qu'il y aurait ... des palmiers. OK, c'était du Tim tout craché ! J'ai dégoté un ensemble de faux palmiers et quelques autres éléments de décor et d'essayer de trouver un moyen de monter tout ça, sur place, le jour même du tournage, sans préparation. On l'a fait à l'arrache avec Roy, le chef décorateur, en bourrant le camion, direction Glencoe.

L'équipe est arrivé à Glencoe le lendemain, par avion. Tim et moi avions fait les repérages et trouvé le lieu de tournage, qui était encore dépourvu de neige. L'endroit était émotionnellement très chargé, plein de vibrations et de réminiscences. Je crois qu'il était impossible de ne pas le ressentir. J'étais alors très anxieux, à m'en ronger les ongles, de savoir si mes éléments de décor, au fond du camion, arriveraient à temps. C'était bien avant l'existence du téléphone portable, mais heureusement, qu'une fois arrivé à l'hôtel, tout semblait marcher et être sous contrôle.

Le début du tournage était, comme d'habitude, prévu pour le lendemain de très bonne heure. A cause de la faible durée d'ensoleillement il était impératif d'être en place, prêt à tourner, le plus tôt possible, pour l'arrivée du groupe.

Et le lendemain matin, neige.... mazette. Non seulement ça allait rendre le tournage plus compliqué mais ça rajouterait une dimension particulière au clip. C'était pas drôle du tout à ce moment-là de devoir gérer la météo. Nous lutions contre la tempête qui descendait dans la vallée, pour maintenir les palmier et le reste du décor debout. Celà-dit, voir plus tard déambuler un ours polaire buvant un café, ça reste, avec le recul, un truc quand même très bizarre.

Durant une courte pause déjeuner j'ai pu un peu décompresser avec Roy, le chef décorateur. (j'avais rencontré Roy, qui a travaillé sur la plupart des clips de The Cure, des années plus tôt au Camberwell art college.) Je me souviens encore de la magie de ce froid intense de Glencoe qui nous pénétrait. Nous étions tous les deux là, pris dans la neige jusqu'aux genoux, admirant cette vallée qui avait vu tant d'âmes tomber dans cette bataille au 17ème siècle. (NDT bataille de Glencoe en 1692.)

De retour au boulot, le groupe se démenait, avec cette neige qui occupait désormais une place aussi importante que les palmiers. Nous faisions tout ce que nous pouvions et le groupe était très stoïque. Nous luttions contre le jour qui tombait et, inévitablement, on a lâché l'affaire à la nuit venue. Chacun de notre côté, nous entamions alors notre épique retour à la maison... mais ça, c'est une autre histoire.

Je regrette de n'avoir pu avoir, à l'époque, plus de temps pour connaitre le groupe. J'étais passionné par la musique et plus particulièrement par la créativité de The Cure, mais j'étais alors accaparé par la conceptions de spots publicitaires et autres longs métrages. Mais j'avoue qu'aucune autre de mes activités artistiques ne m'a offert autant de satisfaction que ma collaboration à The Cure.

Richard Earl

Paul Cox, photographe historique du groupe, sur le tournage du clip de Lovesong.

En ce temps-là faire un clip était effroyablement couteux et prenait des heures et des heures à réaliser et à monter. Robert et Tim Pope avaient une idée très précise de la vidéo de Lullaby qui fut extrêmement chère. Ils avaient cependant eu l'idée de réduire la dépense en tournant parallèlement, au rabais, la video de Fascination Street. Je crois qu'elles furent tournées l'une après l'autre avec un budget partagé.

Fascination Street consistait principalement en une prise directe. C'était nous en train de jouer le morceau dans une ancienne centrale électrique dans le sud de Londres. On s'est pointé et fait quelques prises de la chanson avec un wagon de fumée sur la gueule. Après quoi, ils ont rajouté un tas d'effets au montage. Il y a deux versions disponibles. Au premier visionnage, je me souviens que Robert trouvait qu'on me voyait trop, hahaha. Il a demandé un second montage, et que je sois coupé. Le montage original circule cependant, et l'on peut m'admirer dans toute ma gloire !

De tout point de vue, Lullaby était une superproduction. Nous étions dans un studio quelquepart dans Londres, je ne me souviens plus où. C'était énorme, puisque MTV tournait un making of. Le clip était entièrement axé autour de Robert dans une séquence onirique, nous jouions des sortes de soldats de plomb qui surgissaient de temps à temps à l'écran. Il y avait des oiseaux qui bouffaient des araignées et Robert sortait de la bouche d'une araignée géante. C'était plutôt sexuel comme vision, et lors de la première expulsion je me suis écrié "c'est un garçon", ce qui a bien fait marrer tout le monde. Je me souviens avoir été extrêmement bourré au moment d'expliquer, devant les caméras de MTV comment confectionner le parfait sandwich au bacon anglais. Je n'ai jamais vu ce documentaire, et c'est pas plus mal, il doit être très compromettant !

L'année suivante, Lullaby a reçu le prix du meilleur clip. Ce fut l'occasion de ma dernière apparition avec le groupe avant mon retour en 1995. Le clip déchirait sa race. Très année '80, très Cure et très MTV.

Nous n'avions pas l'intention de faire d'autres clips, mais Lovesong est sorti et a commencé à cartonner au États Unis. On a été contraint d'en tourner un pendant la pause entre la tournée européenne et américaine. On était tous vert puisqu'on détestait le morceau et qu'on ne voulait pas le sortir. En plus notre temps libre était tellement précieux à l'époque. L'idée était de tourner dans de fabuleuses grottes de l'ouest anglais, les Cheddar Gorge. Évidemment ils étaient moyennement chaud de voir débarquer une ribambelle de musicos venant saccager leur grotte. On les a donc recréé dans un studio londonien. Richard, le directeur artistique a fait un boulot de dingue. Il a tout refait en polystyrène et en plâtre. Un des stalagmites est d'ailleurs dans mon studio. Ce que j'ai préféré durant ce tournage, c'est que j'avais ma propre grotte, à l'écart des autres, et aussitôt qu'on avait tourné mes plans, je pouvais me barrer ! Cette video tabasse sa cahouette. Un chef d'œuvre de plus de Tim pope.

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Roger sur le tournage du clip de Lovesong 1989 - Photo Bruno Brunning

Boris sur le tournage de Lovesong

J'ai quasiment tout oublié de Pictures Of you. C'était un si mauvais souvenir que j'ai du l'effacer de ma mémoire. Le tournage a eu lieu, il me semble, bien après la fin de la tournée, en janvier '90. L'atmosphère au sein du groupe était à chier. Simon et Boris se prenaient grave la tête, ce qui plus tard c'est reporté sur moi. Tu peux pas t'imaginer toute la merde qui se déversait sur nous. En plus c'était des étrons très personnels, vraiment moche. J'étais le seul, en Ecosse, à être accompagné de mon amoureuse Leslie, ce qui ne faisait qu'ajouter au malaise. Nous étions arrivés la veille, en train, ce qui faisait quand même une trotte. Il me semble que c'était à Glencoe. Par chance pour Tim, il s'est mis à neiger sans discontinuer le jour du tournage. D'ailleurs un type s'est tué, ce jour-là dans la montage, juste à côté. Il gelait, on était mal, et évidemment ça a pris des heures. Bruno déambulait dans un déguisement d'ours blanc. J'imagine qu'il était bien le seul à avoir chaud. Il y a pas mal de chutes qui circulent de nous en train de pousser la camionnette dans la neige, en train de répéter "Hello I Love You" que nous étions sur le point d'enregistrer pour Rubayiat. Tout partait tellement en couille que Simon n'a d'ailleurs jamais joué sur ce disque.

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Le clip de Pictures Of You tourné à Glencoe en Ecosse 1990 - Photos Richard Earl

Nous étions tous en train de jouer et rejouer encore et encore le morceau devant des palmiers en toc, en picolant du brandy dans le froid glacé. Nous avions des amplis à pile et jouions donc le morceaux pour de vrai. Je crois qu'on l'entend un peu par moment dans le clip. Le lendemain on a bien essayé de rentrer à la maison, mais comme tout le pays était paralysé par les intempéries nous n'avons pu qu'atteindre Birmingham. Ouai, vraiment je n'ai pas de très bon souvenirs, de ce voyage. Et pour moi c'était le début de la fin. Quatre mois plus tard, j'ai pris ma caisse et me suis barré. J'en pouvais plus de tout le pathos, de cette merde et des coups de pute.

 


Réponses aux questions de fans :

Quels claviers as tu utilisé pour l'enregistrement et la tournée ?

Un tas de claviers d'échantillonneurs et de modules. Voici la liste du matos utilisé en studio:

Échantillonneur Mirage
Échantillonneur Prophet 2002
Échantillonneur Emulator E2
Échantillonneur Emulator E3
Échantillonneur Akai S612

Synthé Moog Mini Moog Model D
Synthé Roland JX8P
Arp Solina String Machine

Piano à queue Bosendorfer

Sur scène :

Clavier maitre Yamaha à touches lourdes
Roland JX8P
Korg M1
Pédale de contrôle Midi
Un rack Oberheim de lecture des échantillons pour le Prophet, le Mirage et l'Emulator.

Mes claviers au Dodgers Stadium de Los Angeles 1989

Si nous savions que nous enregistrions un disque historique et s'il était difficile de le rendre sur scène ?

Non, comme je l'ai beaucoup répété, nous n'en avions pas la moindre idée. C'était simplement, pour nous, le prochain album de The Cure. Les chansons étaient faciles à jouer sur scène. C'est uniquement les vieux morceaux, avec leur multiples parties de clavier qui représentaient un défi à rendre sur scène, avec un seul synthé. J'étais completement seul pour le faire et subissait donc énormément de pression puisque Boris et Paul était totalement réticents à l'intégration de Perry dans le groupe. Cette situation a évident changée quand j'ai quitté le groupe.

Homesick?

C'était à l'origine un morceau écrit par Lol. S'il nous arrivait toutefois de dire ça dans le studio, Robert devenait turquoise et menaçait alors de virer la chanson du disque. La suite d'accords était basée sur la démo de Lol, mais Simon et moi l'avons réarrangé, et pour ainsi dire réécrit le morceau durant une nuit d'ivresse. La basse et le piano furent entièrement improvisés, ce qui a n'a fait que compliquer le rendu au moment d'enregistrer. Je crois d'ailleurs qu'on a jamais réussi à la refaire aussi bien que la première fois, mais on s'en rapproche. Pour moi c'est la version de Trilogy qui a été la plus difficile puisque j'avais beaucoup évolué depuis '89 et j'avais du mal à rejouer à la manière de l'époque.

Choix et ordonnance des morceaux ?

Il n'y a qu'un seul morceau, composé par Paul, que nous avons écarté du disque : "Another Delirious Night", dont le titre de travail était "Cant Talk Now Busy". Je suis persuadé qu'il sortira sur la réédition de 2010 puisqu'il est totalement inédit. C'est Robert qui a décidé du choix et de l'ordre des morceaux. Il n'y avait à l'époque jamais aucune concertation. Personne n'aimait Lovesong et nous étions deg' de l'éviction de Last Dance du vinyle. Heureusement qu'elle était sur le cd.

Le chapeau de Simon ?

Il avait toujours été question de tous nous couper les cheveux. Tout le monde la boule à zéro avant le début de l'enregistrement. J'ai été le seul à le faire hahaha. Et puis je crois que le soir du nouvel an '88, Simon complètement bourré, s'est rasé la tête. Je ne me souviens plus très bien mais il détestait ça et a porté tout du long de la tournée et sur les photos, le chapeau et le bandana.

Groupe gothique ?

Je crois qu'il n'y a que Robert que ça fasse chier qu'on dise de The Cure que c'est un groupe gothique. Je m'en tape un peu, et franchement qu'est ce qu'on en a à foutre ? Si vraiment The Cure ne s'estime pas être gothique, son public pense qu'il l'est.

La perte de Lol ?

Je crois que son départ a été un grand soulagement, même si je me souviens qu'on était mal à l'aise. On se demandait qui prendrait sa place de soupape ou de bouc émissaire dans le groupe. A aucun moment on ne l'a regretté. Il étais devenu tristement ridicule. Finalement personne ne l'a remplacé comme bouc émissaire, ce qui nous a probablement mené à toutes ces tensions insurmontables au sein du groupe durant le Prayer Tour.

Alcool et drogues ?

En ce qui me concerne, je n'ai fait que picoler. Pour ce qui est de ce que les autres tapaient, je ne ferai aucun commentaire.

L'ambiance ?

C'était toujours joyeux. Rigolades marades et blagues à tous les étages...

Moments particuliers ?

Le solo de piano sur Prayers For Rain.

Le son ?

Les morceaux ont tous évolué naturellement, mais on avait une idée assez précise de comment ils devaient sonner. Pas de grands changement dans le son, donc, à part Homesick.

Qui a écrit quoi ?

A chaque fois que que quelqu'un proposait une demo, c'était un morceau achevé. Le morceau Fear Of Ghost, par exemple, quand je l'ai apporté comportait déjà la batterie, la basse et les claviers. Aucun de nous ne composait sur les morceaux des autres. Simon a écrit Lovesong et sa demo est en tous points comparable à la chanson finalisée. Il a également écrit Same Deep Water et Untitled. Il faut que je vérifie qui a écrit quoi.

Il n'y a jamais eu de contraintes, tout le monde avait admis que c'était le groupe de Robert. Personne de contestait cela, tout le monde respectait cette règle. Il y en avait toujours un pour se plaindre ou menacer de quitter le groupe, mais sans suite. Chacun s'attelait à sa tache. J'appréciais énormément de pouvoir travailler, guidé par un chef d'orchestre visionnaire.


Les inspirations ?

Robert n'a jamais parlé des paroles qu'ils écrivait. Pas à moi en tout cas. Je n'ai jamais su ce qui l'a poussé à écrire ces chansons, et bizarrement, je ne lui ai jamais demandé. J'étais tellement impliqué à l'époque, et je n'avais pas, avec Robert, les relations qui m'auraient permise de lui taper dans le dos et de lui dire "alors mec, au fait, ça cause de quoi tout ça"...

Plainsong?

Oui, c'est vraiment une chanson magnifique, tout particulièrement pour un pianiste. J'ai adoré jouer ce morceau sur scène. J'avais des sensations incroyables quand nous commencions seuls le concert, juste Boris et moi.

A nouveau Lol ?

Oui, c'était très gênant pour moi d'avoir été appelé pour faire le boulot d'un autre, qui n'était clairement plus capable de le faire et qui plus est, avait été à l'origine du groupe. C'était cependant lui le responsable. Personne ne l'avait obligé à picoler... enfin bon, on y a quand même participé hahah... Lol ne m'a jamais impressionné, ce n'est pas son genre...

Comme je l'ai dit c'est assez inexplicable. C'était du harcèlement, et je suis au regret de dire que j'y ai contribué. Je suis profondément désolé de mon implication, mais cela faisait tellement partie de la culture du groupe qu'il était difficile de ne pas y participer, ça me fait penser à Sa Majesté des mouches...Classer Disintegration ?

Je ne vois pas comment on peut noter un type de musique par rapport à un autre. J'estime que c'est un assemblage de morceaux fantastique, d'un groupe au sommet de ses moyens et de sa création. J'ai même toujours pensé que nos performances scéniques l'emportaient largement sur les versions studio. Ce groupe, à ce moment précis déchirait toutes les races de toutes leurs mères. C'est juste tellement dommage que personne ne s'adressait la parole après les concerts et que le vécu ai été si éprouvant sur scène.

Ton troisième chapitre dans The Cure ?

Musicalement j'y retourne, mais émotionnellement j'en suis pas persuadé. Cela dit la vie à l'étrange manie de se répéter, n'est ce pas ?

Morceaux préférés ?

Je ne peux pas parler au nom des autres, d'ailleurs je ne leur parle pas, donc impossible de leur demander... Mes préférés sont Last Dance et Prayers For Rain.

Vous écoutiez quoi ?

Je crois qu'aucun d'entre nous n'écoutait autre chose que ce sur quoi nous travaillions. J'écoute rarement de la musique quand j'en fait.

Des histoires de cul ?

Hahahhaha non, nous étions tous en couple.

Le poids des ans ?

J'estime que tout groupe ou musicien à un nombre arrêté de choses à dire. Peut être que The Cure a épuisé son quota ? Peut être qu'il est temps de prendre une direction radicalement opposée ? En tout cas, je ne vois pas l'intérêt de jouer et d'enregistrer constamment le même morceau, encore et encore.

Le Prayer Tour ?

Je n'en parlerai pas ici, puisque ce n'est pas le sujet, mais peut être à un autre moment.

Disintegration mon premier album ?

Oui, même si ça peut paraitre dingue en y repensant, c'était la toute première fois que je faisais un album avec un groupe. J'ai adoré chacune des minutes, et j'ai adoré être dirigé par Robert. Évidemment jouer avec Boris et Simon aussi. Tous ça a été un énorme kiff...

J'avais vraiment l'impression de faire partie du groupe à part entière. J'étais le clavier, je faisais mon taf et j'adorais ça.

Je ne crois pas avoir jamais utilisé aucune démo écrite pour The Cure pour autre chose, puisque c'était une écriture bien particulière. J'étais scié qu'on puise utiliser mes chansons et j'aime la manière dont sonne Fear Of Ghosts, et son rendu final, qui n'est pas si éloigné de ce qu'elle était originellement.

La pochette ?

Je ne savais pas qu'il y avait une telle agitation autours de ça. J'ai dit ce que j'avais à dire là-dessus. Il va de soi que Paul et Andy ont usé de ce stratagème pour que leur projet soit choisi. Je ne leur en veux pas, la pochette est bien, mais, cet enregistrement est tellement un travail de groupe qu'il est malhonnête d'avoir utilisé la gueule à Bobby de cette manière.

La chemise ?

Pour la séance photo, Bobinours nous avait demandé de mettre une chemise colorée. On est allé faire du shopping avec Boris, hahahha, et tout ce qu'on a trouvé c'est cette horrible chemise à fleur. Je l'ai toujours, je garde tout !

Viré ?

Soit, ça ne concerne pas vraiment Disintegration, mais je vais répondre. J'ai quitté le groupe en '90, de mon propre chef. Je n'ai ni été viré ou poussé ou quoi que ce soit. Les raisons de mon départ ont à voir avec Simon et sont assez complexes. J'adore Simon, et on s'est pardonné depuis, tout ce qui a pu se passer à l'époque. J'étais extrêmement malheureux...

En mai 2005, j'ai reçu un appel de Robert, après qu'il m'eut envoyé un courriel. J'avais déjà, précédemment à cette conversation découvert que je ne faisais plus partie du groupe. Si je n'avais pas été évincé, je me serais tiré. Il y avait plusieurs choses qui m'y auraient poussé. Par exemple faire le Live8, à Paris et l'émission de télé avec Korn, mais ça c'est une autre histoire...


Dave Allen ?

Dave avait une très grande influence sur tout, et Robert le respectait comme il n'a jamais respecté personne. Dave à une forte puissance de création et j'ai énormément apprécié de travailler avec lui. Dave était une pièce maitresse du son de The Cure et j'estime que son influence fait grandement défaut au groupe.

Untitled?

C'est Simon qui a composé le morceau, y comprit les parties de synthé. Je n'ai fait que les jouer. Simon est très fort pour l'écriture des claviers, et je suis très bon pour l'écriture des parties de basse. Peut être qu'on devrait intervertir ?

Des inédits ?

Il n'y a qu'un seul morceau qui n'a jamais été utilisé, celui de Paul "Another Delirious Night", qui fera certainement partie du remaster à paraitre en 2010.

L'incendie ?

Nous étions tous en train de diner. Robert n'a rien pu sauver. Tout a été perdu. Enfin, comme vous pouvez le lire plus haut, visiblement pas.

Mes demos ?

Je dois avoir une heure d'enregistrement valable, y compris une chanson sur laquelle je chante ! Je n'en ai jamais fait usage pour rien d'autre depuis, et je doute que je le fasse. C'est des morceaux qui ont 20 ans. Je leur donnerai peut être une chance le jour ou je n'arriverai plus à composer.

Fascination Street  ?

Oui, j'étais à la Nouvelle Orléans en 1987, je cois que ça parle de ça. Robert nous a proposé une liste de noms pour la rue et on a tous choisi Fascination.

Pourquoi avoir pris l'avion durant le Prayer Tour ?

Bon cette question s'est posée plusieurs fois et je vais mettre les choses au point. Les femmes et les copines sont venues assister à la deuxième partie de la tournée. ça faisait pas mal de monde. On avait le choix soit d'avoir deux bus, soit de faire l'économie d'un bus si deux personnes acceptaient de prendre l'avion. Paul et moi avions donc décidé de renoncer au bus, mais au dernier moment il a changé d'avis. Du coup on a donc pensé que je ne voulais pas voyager avec le groupe, ce qui est faux. Il y a eu une telle quantité de merde déversée pendant cette tournée qu'a chaque instant tout pouvait imploser. Mais ça c'est une autre histoire, extrêmement triste au demeurant...

Les clips ?

Les palmiers sont faux puisque le tournage a eu lieu en Écosse et autant que je sache ils n'ont pas de palmiers hahaha. La grotte de Lovesong est reconstituée en studio puisqu'on a pas eu la permission de tourner dans la vraie.

Top Of The Pops ?

On adorait tous Top Of The Pops. C'était une institution en Grande Bretagne, et ça voulait dire qu'on vendait un max. Il y a eu une telle embrouille concernant le maquillage de Robirapetout qu'on a failli pas la faire. Mais finalement on a pu, à la condition qu'il n'y ait pas de gros plans de la Sainte Face. Le real' pensait que ça ferait flipper les gens ! Je crois que la BBC n'aimait pas vraiment The Cure hahahh.

POUR TOUTE QUESTION A ROGER O'DONNELL  EMAIL LUI  IL FERA DE SON MIEUX POUR TE REPONDRE

POUR TOUTE QUESTION A LA TRADUCTION (DONS DE PETIT ECOLIER, DEMANDE EN MARIAGE ETC... )  EMAIL  LA , ELLE SE FERA UN PLAISIR DE TE REPONDRE

Remerciements et credits - Un merci tout particulier à Craig Parker de Chain of Flowers pour les questions de fans, la relecture et les questions supplémentaires. A Bruno Brunning pour ses souvenirs et ses nombreuses photos. A Dave Allen pour avoir répondu à quelques questions techniques. A Brent Graham pour ses informations très détaillées. A Robert pour m'avoir demandé de jouer et de contribuer à ce qui a donné cet extraordinaire enregistrement, et à tous ceux qui depuis 20 ans ont kiffé le disque, et pour qui il représente tellement.

Photo: Dans le but de préserver leur intimité, il m'a été demandé de flouter les personnes ne faisant pas partie du groupe ou de l'encadrement. Toutes les autres photos sont, ou ont été préalablement diffusées sur internet.

Je précise, même si ça va de soi, qu'il s'agit ici de mes souvenirs personnels tels que je me les remémore. On sait tous que si l'on réunit quatre personnes et qu'on leur demande de raconter une expérience commune, on aura quatre histoires différentes. C'est le cas ici, et je suis persuadé que les autres personnes qui ont participé à ce projet, et qui ont tous une grosse personnalité et leurs opinions, ne sont surement d'accord en rien ou qu'en partie avec ce que j'ai dit. J'ai simplement rendu honnêtement compte du déroulement des faits, tel que je me les remémore.

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